La petite embellie
Auger, Michel C.
Le Soleil mercredi, 28 juin 2006
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On peut se concentrer sur les divergences entre les deux grandes maisons de sondage québécoises ou on peut voir leurs points communs qui sont, au fond, bien plus nombreux. Ce qui est indiscutable, c'est qu'il y a, actuellement, une petite embellie pour le Parti libéral du Québec. Les deux mots sont importants : il y a bel et bien une embellie, mais elle reste petite.
On dit souvent que ce qui importe dans les sondages, ce n'est pas la photo instantanée que la tendance. Or, la seule tendance lourde qui soit très claire depuis l'élection d'André Boisclair comme chef du PQ, c'est que les intentions de vote pour son parti sont passées d'environ la moitié des voix à seulement un tiers. De 50 % à seulement 33 %.
Cet hiver, malgré la baisse du PQ, les libéraux n'ont pas vraiment connu de progression. Mais depuis deux mois, il est clair qu'ils ont commencé à faire bouger l'aiguille. Depuis ce Conseil général du PLQ, au début de mai à Trois-Rivières, en fait, quand le Parti a appuyé son chef à la quasi-unanimité sur la question du mont Orford.
M. Charest en a fait, à toutes fins utiles, une question de confiance, avec le résultat que les libéraux ont envoyé le signal qu'ils n'allaient pas changer de chef avant la prochaine élection et qu'ils seraient derrière Jean Charest, avec ses défauts et ses qualités.
Depuis ce temps, le gouvernement a eu pas mal plus de bonnes nouvelles à annoncer que de mauvais coups à défendre : de la cote de crédit du Québec, qui a été revue à la hausse, au règlement de l'équité salariale, sans oublier les politiques sur les gaz à effet de serre et sur le transport en commun.
Ça ne veut pas dire que les Québécois ont tourné la page - le sondage de Léger Marketing montre, par exemple, que des quatre lois adoptées sous le bâillon à la fin de la session parlementaire, seule la privatisation des hippodromes emporte l'appui d'une majorité - , mais ils semblent prêts à donner au gouvernement Charest une autre chance de les convaincre. Il y a quelques semaines encore, on aurait pu penser que la cause était entendue et qu'il n'aurait même pas cette chance.
Il y a donc une embellie pour le PLQ, mais les chiffres des deux sondages sont encore loin de montrer une zone de confort suffisante pour que le premier ministre Charest puisse déclencher des élections à l'automne.
Même dans l'hypothèse la plus optimiste, celle de Léger Marketing, le PLQ n'a que cinq points d'avance sur le PQ. Ce qui est trop peu si on tient compte de la marge d'erreur et du vote massif des non-francophones, qui fait que le PLQ doit avoir cinq points d'avance sur le PQ pour obtenir une majorité de sièges.
De même, quand on regarde les résultats détaillés du sondage CROP, on constate que chez les électeurs francophones, avant répartition des indécis, le PQ mène avec 35 % contre 19 % seulement au PLQ et 15 % à l'ADQ.
C'est loin d'être le genre de chiffres qui peuvent inciter un premier ministre libéral à déclencher des élections. Il y a bien une tendance vers le PLQ, mais il lui faudra de bien meilleurs chiffres que cela à la rentrée de l'automne pour donner à M. Charest la chance d'aller aux urnes avec une chance raisonnable de gagner.
Mais si les bonnes nouvelles sont mitigées pour les libéraux, ils peuvent se consoler en se disant qu'il n'y a que de mauvaises nouvelles pour leurs adversaires péquistes.
Au PQ, la seule question qui se pose maintenant est de savoir si André Boisclair peut arrêter cette glissade à la faveur de son élection partielle dans Pointe-aux-Trembles et de son éventuelle entrée à l'Assemblée nationale.
Un des principaux problèmes du chef péquiste cet hiver et ce printemps a été qu'il n'a pas été visible, ayant choisi de ne profiter ni de la tribune de l'Assemblée nationale, ni des médias nationaux. Il doit maintenant utiliser l'été et l'automne pour se présenter de nouveau aux Québécois. Pas dans l'abstrait, mais comme celui que l'on comparera à Jean Charest pour savoir s'il ferait un meilleur premier ministre.
Mais avec des chefs mal aimés et qui sont tous deux moins populaires que leur parti, il ne faudra pas se surprendre de voir d'autres grandes variations dans les sondages d'ici aux élections. Cela ressemble fort à l'atmosphère qui régnait dans l'année qui a précédé l'élection d'avril 2003, quand les trois partis se sont retrouvés, tour à tour, en tête des sondages.
Ce n'est pas que l'électorat québécois soit particulièrement instable ou volatil. Ce serait plutôt qu'il est insatisfait des choix qui s'offrent à lui.
Pour joindre notre chroniqueur : mcauger@lesoleil.com
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