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 Merci, M. Ignatieff

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MessageSujet: Merci, M. Ignatieff   Merci, M. Ignatieff EmptySam 28 Oct - 22:48

Merci, M. Ignatieff


Michel David
Le Devoir - samedi 28 octobre 2006






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En créant la commission Séguin, en mars 2001, Bernard Landry a sans doute réussi le meilleur coup de son court règne.

D’une certaine manière, il a même trop bien réussi. Le débat sur le déséquilibre fiscal a pris une telle ampleur que bien des Québécois, y compris chez les souverainistes, en sont venus à y voir le problème fondamental du fédéralisme canadien.

Le simple fait que toutes les autres provinces s’en plaignaient au même titre que le Québec aurait dû faire apparaître dès le départ que l’essentiel était ailleurs, mais le déséquilibre fiscal avait le grand avantage d’être facile à comprendre.

C’était également une trouvaille sur le plan tactique. Même après que le PQ eut été chassé du pouvoir, le déséquilibre fiscal est demeuré une pomme de discorde avec Ottawa, malgré l’arrivée à Québec du gouvernement le plus inconditionnellement fédéraliste depuis celui d’Adélard Godbout. Jean Charest n’a pas eu d’autre choix que d’en faire sa grande priorité en matière de relations fédérales-provinciales.

Cette fixation a cependant un prix. Si des intellectuels souverainistes comme Gérard Bouchard ont senti le besoin de retourner à l’essence du projet souverainiste, c’est que l’accessoire commençait à occuper toute la place.

Dans son discours de rentrée à l’Assemblée nationale, même André Boisclair laissait croire qu’il fallait faire l’indépendance pour éliminer les listes d’attente dans les hôpitaux. Si, au lendemain du grand soir, elles avaient le malheur d’allonger, faudrait-il réintégrer la fédération ?

Même si Michael Ignatieff a agi dans le simple but de marquer des points dans la course à la succession de Paul Martin en faisant adopter par le congrès de la section québécoise du PLC une résolution en faveur de la reconnaissance du Québec comme nation, il faut lui être reconnaissant de rappeler aux souverainistes et à l’ensemble des Québécois ce qui est au coeur de la question : l’identité et la fierté d’un peuple.

***

Il n’est pas étonnant de voir Bernard Landry adresser une lettre ouverte à Stephen Harper pour lui demander d’imiter Michael Ignatieff en reconnaissant l’existence de la nation québécoise. Il n’avait certainement pas l’intention de faire dévier le débat sur la souveraineté en créant la commission Séguin, mais il doit quand même être soulagé de le voir replacer dans sa juste perspective.

Par définition, une lettre ouverte s’adresse à d’autres que son destinataire officiel. M. Landry cherche d’abord à convaincre les Québécois de leur parfaite légitimité à revendiquer la reconnaissance de leur nation dans tous les sens du terme. Ce n’est certainement pas M. Harper qui a besoin de la caution de Jean Lesage ou qui devrait se formaliser de la « complaisance sans pareille » de Benoît Pelletier, qui dit comprendre qu’un anglophone puisse avoir un problème de nature sémantique avec le concept de nation.

Il y a tout de même un paragraphe — le dernier mais non le moindre — qui s’adresse à M. Harper et à tout le Canada anglais : « Évidemment, dès que cette reconnaissance sera réalisée, il faut que vous sachiez, en toute honnêteté, que vous serez confronté à la question suivante : pourquoi la nation québécoise devrait-elle se satisfaire du statut de province d’une autre nation et renoncer à votre nation et à toutes les autres ? Encore et toujours une question de vérité et de cohérence. »

Au moment de la signature de l’accord du Lac-Meech, en juin 1987, l’opposition péquiste l’avait qualifié de « hochet ». C’est seulement après avoir acquis la certitude qu’il ne recevrait pas la sanction des dix assemblées législatives provinciales que Jacques Parizeau s’était porté à sa défense. Pour bien s’assurer qu’il serait rejeté, il avait cependant pris soin d’avertir le Canada anglais que la reconnaissance de la « société distincte » ne signifierait pas la fin des revendications du Québec, bien au contraire.

M. Landry adopte la même tactique. Tout le monde doit être bien conscient que la reconnaissance officielle de la nation québécoise ne sera qu’un premier pas, que le Canada anglais serait donc bien fou de franchir. Il reste que si l’accord du Lac-Meech avait été enchâssé dans la Constitution, le mouvement souverainiste aurait subi un très dur coup.

***

Le Canada ne se contente plus des crises constitutionnelles. Nous avons maintenant droit à une répétition générale avant la vraie crise, une « pré-crise » en quelque sorte. N’est-il pas touchant d’entendre Justin Trudeau se porter à la défense de l’héritage de son papa ?

« Malheureusement, il y a des gens ces jours-ci qui se drapent de cette idée de reconnaître le Québec comme une nation, ce qui va à l’encontre de tout ce que mon père a toujours cru », a-t-il déclaré jeudi sur les ondes de CTV. Un frisson a dû traverser les chaumières du ROC.

Tant qu’à y être, le fils Mulroney va-t-il lui donner la réplique ? Même l’ancien premier ministre ontarien David Peterson, cet ancien allié de Robert Bourassa qui a perdu son poste aux mains de Bob Rae pour avoir appuyé l’accord du Lac-Meech, a repris du service.

Qu’est-ce que ça va être quand la vraie crise va éclater ? Après des mois d’ennui, la course au leadership du PLC est devenue si divertissante qu’on a fini par oublier que c’est seulement l’équipe B qui est sur la patinoire. Si les choses continuent de se gâter, les McKenna, Manley et autres Tobin ne pourront pas demeurer silencieux. Sans parler de Jean Chrétien, qui finira bien par surmonter son « ras-le-bol » constitutionnel.

La question est maintenant de savoir si les libéraux vont être en mesure d’empêcher la « pré-crise » de dégénérer en vraie crise. Une réédition du drame de Meech serait évidemment une bénédiction pour les souverainistes. Même si le congrès de la fin de novembre trouvait un moyen de noyer le poisson, ils peuvent déjà dire un gros merci à Michael Ignatieff.

mdavid@ledevoir.com

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