Pour une approche réaliste de la souveraineté et en finir avec certains sophismes
Marc Brière Tribune libre de Vigile - lundi 3 avril 2006
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« Sophisme : argument, raisonnement faux malgré une apparence de vérité » - Le Petit Robert
La majorité des Québécois, souverainistes comme fédéralistes, croient que l’accession du Québec à l’indépendance n’est possible qu’aux trois conditions suivantes : (1) la tenue d’un référendum portant clairement et exclusivement sur l’indépendance ; (2) que ce référendum exprime clairement et incontestablement la volonté de la majorité des Québécois en faveur de l’indépendance ; (3) et que le Québec et le Canada négocient de bonne foi les modalités de la séparation des deux États et de la transmission des pouvoirs législatifs, exécutifs et judiciaires. Ces trois conditions satisfaites, la plupart des Québécois souhaitent que la négociation s’étende à toutes autres dispositions, accords ou traités que les deux parties pourraient trouver à leur commun avantage économique ou politique : libre échange, marché commun, union monétaire ou autre. Malgré tout, certains indépendantistes déploient une énergie folle à trouver de nouvelles et meilleures manières de faire accéder le Québec à l’indépendance. On cherche la voie qui conduira le peuple québécois à la terre promise, à travers les écueils de la mer rouge (maintenant bleue) astucieusement entrouverte pour laisser libre passage au peuple en marche vers sa destinée. Le problème est qu’en politique il n’y a pas de miracle. La seule voie du succès est celle du droit et du réalisme, qui doit être la mesure de toute stratégie. Sans quoi on court à sa perte, on met dangereusement en péril la nation même qu’on veut pourtant sauver. Après maintenant quarante ans de tergiversations et de chicanes, les indépendantistes ont épuisé tous leurs droits à l’erreur. L’heure de l’union sacrée devra bientôt sonner, car comment convaincre un assez grand nombre de Québécois de la nécessité et de la faisabilité de l’indépendance si les souverainistes eux-mêmes demeurent incapables de solidarité, tout embourbés qu’ils sont dans leurs arguties procédurales et leurs sophismes ? Il nous est apparu nécessaire de tenter de convaincre nos compatriotes d’éviter certaines erreurs factuelles ou stratégiques, voulant notamment (1) que la voie référendaire ne soit plus praticable et qu’une élection référendaire suffirait à faire reconnaître une déclaration unilatérale d’indépendance (DUI) ; (2) que le référendum puisse porter sur autre chose en plus de la souveraineté, soit pour certains une offre d’association - partenariat, soit pour d’autres, l’adoption de toute une nouvelle constitution ; (3) qu’une majorité référendaire de 50% plus 1 suffirait ; (4) qu’une déclaration unilatérale d’indépendance (sans négociation de bonne foi) serait reconnue, si non par le Canada, du moins par la communauté internationale, en raison soit du droit d’autodétermination des peuples, soit du principe d’effectivité. Premier sophisme : l’impasse référendaire « Si nous avons perdu les deux premiers référendums, ce n’est pas de notre faute (nous, les Franco-Québécois), c’est la faute aux Anglais, aux Juifs et autres groupes ethno-culturels, et surtout aux méchants fédéralistes d’Ottawa, qui nous ont volé notre pays ! » Pourtant, ce sont bien 50 % des Franco-Québécois en 1980 et 40 % en 1995 qui ont voté NON : tous des stupides, des vendus, des traîtres ? Après l’adoption en 1982 de l’infâme Loi constitutionnelle de Trudeau malgré l’opposition de notre Assemblée nationale, qu’avons-nous fait pour renforcer la conscience nationale des Québécois à part chialer ? Nous aurions pu nous donner notre propre Constitution québécoise ou, à tout le moins, établir une citoyenneté québécoise reconnaissant le droit de vote aux citoyens québécois plutôt qu’aux « citoyens canadiens résidant au Québec depuis au moins six mois ». On s’est contenté de l’inefficace Loi Facal sur les prérogatives du peuple québécois et de l’État du Québec (30 mai 2000), tout en continuant de prétendre à tort que la Loi Dion sur la clarté avait bâillonné la nation, mis le Québec en tutelle et rendu désormais impraticable la voie référendaire. La vérité est tout autre. La loi Dion ne s’applique qu’au gouvernement fédéral, et encore jusqu’à ce qu’un autre Parlement en dispose autrement. Cette loi ne fait que préciser à quelles conditions le gouvernement fédéral accepterait de négocier avec le Québec les modalités de sa sécession ; elle n’affecte en rien le droit constitutionnel de sécession reconnu au Québec par la Cour suprême du Canada. Comme le dit Daniel Turp (La Nation bâillonnée. Le Plan B ou l’offensive d’Ottawa contre le Québec. Montréal, VLB éditeur, 2000, p.150) : « En réalité, l’offensive ultime que constitue le plan B a comme objectif de démobiliser les Québécois et de leur faire croire que toute lutte pour la liberté et l’indépendance est dorénavant vouée à l’échec parce qu’elle peut être contrée par la Loi sur la clarté et toute une panoplie d’autres mesures. » Tous ceux qui prétendent que la Loi sur la clarté constitue un obstacle insurmontable à la voie référendaire font le jeu de Stéphane Dion et l’aide à atteindre son objectif : faire peur. Un référendum portant uniquement sur l’indépendance et donnant une réponse claire à une question claire est gagnable si on s’en donne la peine. Sinon ce n’est pas la peine de vouloir l’indépendance. Si on ne croit pas que les Québécois sont capables de résister à quelques magouilles fédérales, du genre des commandites ou d’Option Canada, alors aussi bien oublier le projet de l’indépendance ! Non seulement la voie référendaire peut réussir, mais c’est la meilleure, voire la seule voie de l’indépendance, car elle est la seule qui puisse attester de manière incontestable la volonté majoritaire du peuple québécois comme le démontre clairement Denis Monière dans « Pourquoi on ne peut faire naître un pays par une élection » (L’Action nationale, février 2006). C’est la voie démocratique, la seule voie qu’accepteraient de prendre les Québécois et que le Canada et la communauté internationale pourraient reconnaître comme valide et légitime.................
Marc Brière, essayiste 31 mars 2006