Souveraineté 101 :Le Conseil de la souveraineté met en vente un guide destiné aux enseignants
Kathleen Lévesque
Le Devoir - mercredi 29 mars 2006
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Le Conseil de la souveraineté du Québec lance un appel à tous les enseignants et professeurs pour qu’ils expliquent les « bienfaits » de la souveraineté aux jeunes, de la maternelle à l’université. Au moyen d’un guide d’activités qui se veut pédagogique, le Conseil de la souveraineté souhaite que l’école amène « les élèves et les étudiants à construire le lendemain de l’indépendance ».
« Au Québec, 165 000 personnes travaillent dans le réseau de l’éducation. À 165 000, on peut changer l’avenir du Québec ! », peut-on lire dans l’épigraphe du guide intitulé Parlons de souveraineté à l’école, dont Le Devoir a obtenu copie et dont le lancement est prévu aujourd’hui. Publié aux éditions Les Intouchables, où l’on verse dans les livres coup de poing, ce guide a un objectif clair de provocation. Dans son avant-propos, le président du Conseil, Gérald Larose, le présente comme « un pavé dans la mare ». « On ne peut pas en parler à l’école ? Informons-nous quand même ! », écrit M. Larose.
Plus loin, on reconnaît qu’il s’agit d’un sujet conflictuel, comme le sexe à l’école ou la théorie de l’évolution aux États-Unis. Mais c’est la responsabilité du corps enseignant de « faire progresser les jeunes sur le chemin de la connaissance, du raisonnement, de l’esprit critique ».
Depuis deux ans, une équipe de 17 personnes a travaillé sur ce projet. Joint hier, le co-président de la commission de l’éducation du Conseil de la souveraineté, Robert Cadotte, a refusé de faire des commentaires, se bornant à dire qu’avec ce « manuel scolaire, ça va brasser », et qu’il s’agit d’un enjeu majeur au chapitre de la citoyenneté. Onze mille copies sont mises en vente.
Le Conseil de la souveraineté fait le pari que les enseignants prendront la parole et utiliseront ce guide afin de démystifier le projet de la souveraineté qui n’est pas inscrit dans le corpus académique du système d’éducation. Au niveau primaire, on souhaite faire de la notion d’indépendance une compétence transversale puisque les mises en situation proposées d’inscrivent dans le programme de français ou de mathématiques.
Ainsi, dans l’activité 4 destinée aux enfants du primaire, la reine d’Angleterre constitue le thème abordé. On indique que l’activité peut s’appliquer à des exercices de mathématiques. Comment ? On explique que la portion québécoise des dépenses de 2003 de la gouverneure générale du Canada représente 9 430 000 dollars. Que pourrait faire un Québec indépendant avec cette somme ? Acheter 628 666 romans jeunesse (à 15 $ chacun) pour les bibliothèques scolaires, suggère-t-on.
L’activité suivante concerne la paix. Après avoir donner quelques informations sur les dépenses du gouvernement fédéral en matière de défense, il est établi qu’un Québec indépendant récupérerait 4 milliards pour promouvoir la paix. Les pages suivantes proposent de laisser libre cours à l’imagination des enfants sur ce thème. D’abord, ils sont invités à créer un dessin à partir d’un obus. Puis, un petit texte explique qu’un soldat québécois a rêvé d’un Québec indépendant où son régiment se reconvertissait en brigade de la paix. L’enfant doit imaginer ce qu’est devenue la base militaire.
Le guide propose également des activités de bricolage pour les tout-petits de la maternelle autour du sujet de la fête nationale des Québécois. Les décorations - blanches et bleues comme le fleurdelisé - seront rapportées à la maison « pour les mettre sur la porte, aux fenêtres ou sur le balcon », pour « chanter notre Québec ».
Dans les cours de musique, on propose d’utiliser les chansons indépendantistes des Raymond Lévesque, Daniel Boucher et autres Cowboys Fringants. Les films sur l’indépendance peuvent également être utilisés, notamment pour des cours de niveau collégial. La liste proposée inclut le documentaire La Liberté en colère de Jean-Daniel Lafond, époux de la gouverneure générale Michaëlle Jean. Bien d’autres activités sont l’occasion d’écorcher le gouvernement du Canada, comme le scandale des commandites, le référendum de 1995 ou la partition territoriale.
Le Conseil de la souveraineté fait aussi des suggestions d’activités à mener à l’université. Aux étudiants en administration, on propose d’analyser le rapport de Jacques Léonard commandé par le Bloc québécois sur les intrusions et les augmentations des dépenses fédérales au Québec. Aux professeurs des Beaux-Arts ou en design, le Conseil souligne qu’ils peuvent inviter leurs étudiants à participer au concours du Conseil afin de doter le Québec indépendant de nouveaux symboles : timbres, hymne national, monument à l’indépendance.
Le guide s’adresse également aux enseignants qui font de la formation professionnelle, de l’éducation aux adultes ainsi que de la francisation et de l’alphabétisation.
Selon le Conseil de la souveraineté, ce guide doit permettre d’éviter la propagande. « Le jugement des jeunes doit se construire par l’ouverture d’esprit et la recherche. Il est donc primordial [...] qu’ils se nourrissent à des sources différentes et contradictoires, qu’ils débattent des idées, qu’ils évitent l’excommunication de ceux qui diffèrent d’opinion », indique le document. Mais bien qu’on invite les professeurs à présenter des points de vue différents, le guide fournit d’abord et avant tout des données sur l’indépendance, jugeant la contrepartie facilement accessible.
Au verso du document, quelques personnalités signent de courts commentaires. Gilles Vigneault se dit enchanté. « Nous prenons enfin notre droit de regard sur notre histoire », écrit-il. Daniel Pinard compare le guide à une nourriture de l’esprit « pleine de vitamines et d’antioxydants », dont il faut abuser à volonté.
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