Les défis du Bloc

Éditorial www.journalmir.com


Les défis du Bloc
par Michel Brûlé


Parizeau a raison quand il dit que le Parti conservateur a profité du vide idéologique laissé par le Bloc pour faire des percées au Québec. À partir de cette réflexion, je ne vois pas pourquoi on s’inquiéterait de l’élection de députés conservateurs dans la région de la Vieille Capitale. Au cours des derniers jours de la campagne électorale, il était assez rigolo de voir Duceppe passer son temps à dire que le Bloc est utile. Mais l’est-il vraiment ? Quel est le mandat du Bloc au juste ? Défendre les intérêts supérieurs du Québec, comme disait Bourassa, ou bien paver la voie de la souveraineté ? Si le seul but du Bloc est de travailler dans le sens de la réalisation de la souveraineté, il va sans dire que le Bloc a avantage à adopter la politique du pire. N’oublions pas que les appuis à la souveraineté ont été à leur sommet au lendemain du rejet de l’Accord du lac Meech, événement qui a donné naissance au Bloc.

Il y a trois semaines, j’ai écrit que le Parti conservateur était l’allié objectif des souverainistes, faisant ainsi de moi un adepte de la politique du pire. À long terme, je crois que le Parti conservateur finira par s’aliéner le Québec, mais je crois qu’il faut pratiquer à court et à moyen termes un souverainisme d’ouverture, comme l’affirme Michel Seymour. Au fond, pourquoi sommes-nous souverainistes ? Si les Canadiens anglais s’intéressaient à notre culture et la considéraient sur un pied d’égalité par rapport à la leur, il n’y aurait pas de raison d’être souverainiste. La plupart des souverainistes le sont parce que la majorité de nos voisins canadiens-anglais nous méprisent ou se fichent totalement de nous. Face à cette situation, il faut continuer à se battre pour défendre et promouvoir notre langue et notre culture.

Depuis 1976, quels sont les acquis qu’ont réussi à arracher le PQ et le Bloc ? Moi, je n’en vois qu’un : la loi 101. Pathétique, n’est-ce pas ? Il est temps que le Bloc fasse quelque chose ! Je suggère que Duceppe prête allégeance à Harper sous quelques conditions. La première serait de donner au Québec le plein pouvoir en matière d’immigration. Le Parti libéral a toujours cherché à réduire le poids démographique des francophones, surtout à Montréal, en favorisant une immigration facilement assimilable à l’anglais. Il faut que ça cesse ! À l’heure actuelle, il est mille fois plus facile pour un ressortissant d’un des pays du Commonwealth d’immigrer au Québec que pour un Français, par exemple.

Deuxième condition : que le Québec soit reconnu comme un État sur la scène internationale au même titre que l’Écosse, qui fait partie du Royaume-Uni mais qui n’est pas un pays indépendant. En d’autres termes, que le Québec ait son équipe olympique et, pourquoi pas, son siège à l’ONU. Finalement, que le Québec ait le plein pouvoir en matière de transports, c’est-à-dire que nous prenions le contrôle de nos ponts, de nos ports et de nos aéroports. Cela vous semble futile ? Pourtant, c’est dans ces lieux où on affirme à nos voisins canadiens-anglais, étasuniens et du monde entier notre identité culturelle et linguistique. Si nous avions ce plein contrôle, nous pourrions rebaptiser l’aéroport Pierre-Elliott-Trudeau et lui donner un autre nom : Jacques Parizeau, par exemple. En attendant, voyez ce qui se passe dans ce beautiful airport.

J’aurais envie de revenir sur la décision de fermer Mirabel au profit de Dorval, mais je me contenterai de dire que Mirabel était un aéroport magnifique et que Dorval, malgré les améliorations, a toujours l’air aussi vétuste, de l’extérieur du moins.

À l’aéroport Pierre-Elliott-Trudeau — on aurait dû l’appeler Justin (à prononcer à l’anglaise) Trudeau, la plupart des employés de l’aéroport sont bilingues, c’est-à-dire qu’ils parlent bien l’anglais et mal le français. Toutes les annonces faites dans la langue de Shakespeare sont dans un anglais correct, mais ce n’est pas du tout le cas des annonces en français. En fait, seules les annonces enregistrées sont dans un français impeccable. Et presque tout le temps, l’anglais passe avant le français. Cette situation est honteuse ! N’oublions jamais que Montréal est la deuxième ville francophone du monde !

L’année dernière, on m’a servi la goutte qui a fait déborder le vase. J’étais assis au bar du Café Bon Voyage où je suis demeuré jusqu’à la fermeture. Mon avion étant en retard, j’ai passé mon temps à discuter avec un sympathique jeune serveur. À 21 h, la gérante est venue fermer le café. Elle m’a dit en anglais et plutôt froidement que je devais quitter les lieux. Je lui ai alors demandé pardon très calmement. À Montréal, le mot « pardon » a un sens qu’il n’a nulle part ailleurs dans la francophonie. Ici, le mot « pardon » veut aussi dire : Est-ce que je pourrais être servi en français ? Hélas, la gérante, Mme Faye Omar, a persisté à me parler en anglais. J’étais mortifié de devoir subir cette humiliation. J’ai finalement demandé à cette pauvre dame qu’elle me parle en français et elle a répliqué : « Learn English ! » J’ai écrit une lettre à la direction du Café Bon Voyage et personne n’a eu la délicatesse de me répondre.

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