Bienvenue en Absurdistan - françois patenaude
LE COURAGE POLITIQUE
par François Patenaude www.journalmir.com
Certaines expressions ont un sens bien précis dans mon esprit, mais il m’arrive de confronter ma vision des choses avec le réel, question de voir où se situe ma réflexion par rapport au Québec de 2006. C’est ce que j’ai fait pour l’expression « courage politique ». Le réel se matérialise ici sous la forme des éditoriaux d’André Pratte et des chroniques de Claude Picher, du journal La Presse.
Je me suis ainsi amusé à recenser dans quelles circonstances l’expression « courage politique » a été utilisée par les deux faiseurs d’opinion de La Presse.
Le résultat de l’exercice ne m’a pas étonné. J’ai plutôt eu confirmation que, si ces messieurs étaient aussi habiles pour détourner les rivières de leur cours naturel qu’ils le sont pour détourner les idées, Hydro-Québec devrait les engager sous peu.
Les deux chantres du libéralisme ont une lubie commune. Ils utilisent l’expression « courage politique » pour fustiger les syndicats du domaine de la santé et faire la promotion de la privatisation… de la santé !
En 2002, André Pratte utilise l’expression à deux reprises dans ses éditoriaux. Le 3 octobre, M. Pratte salue l’ADQ qui, dans son programme, s’ouvre à la médecine privée. Le 25 novembre, il affirme que le courage politique, c’est de « convaincre les contribuables que le temps de l'universalité et de l'intégralité des services publics est terminé, que notre société ne peut tout simplement plus se permettre des services mur à mur ». Il donne à titre d’exemple les services de santé et cite Claude Forget (époux de Monique Jérôme-Forget, présidente du Conseil du trésor) qui affirme que des examens de santé seraient sans doute assurables au privé à un coût raisonnable pour la plupart des gens. Rappelons que M. Forget est un ancien ministre de la Santé, qui a ensuite travaillé pour des compagnies d’assurances, puis au CD Howe Institute (un think tank de droite), en plus d’être lié à des entreprises œuvrant dans le domaine de la santé.
En 2004, l’ineffable Claude Picher a vanté le ministre de la Santé du Québec, Philippe Couillard, à deux reprises, soit le 2 février et le 31 juillet, parce qu’il a osé s’attaquer à la « mafia-bureaucratico-syndicale québécoise » en santé. Rien de moins !
Étrange, cette association entre courage politique et services de santé. On ne voit pas le lien tout de suite, mais avec du recul, on constate que Power Corporation (propriétaire de La Presse) possède deux des plus grandes compagnies d’assurances du Canada, la Great-West et la London Life, lesquelles compagnies tireront assurément des bénéfices de la privatisation du système de santé.
Le « courage politique » salué par les deux ténors est-il vraiment affaire de courage, ou ne serait-il pas plutôt question d’opportunisme ? Leur utilisation de l’expression « courage politique » ne vise-t-elle pas plutôt à dorer la pilule de la privatisation de la santé, impopulaire au Québec ? Privatisation qui irait dans le sens des intérêts des propriétaires de La Presse…
On en aura une idée plus précise bientôt. Le ministre Couillard doit déposer sa réponse au jugement Chaouli sous peu. Parions que si sa décision est de faire plus de place au privé en santé, les deux ténors de La Presse salueront le « courage politique » du ministre… Pour le plus grand bonheur de Power Corporation !
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