De «.qc.ca» à «.quebec»
Le nouveau suffixe «va permettre au Québec d'affirmer sa culture, son commerce, son talent et ses arts par l'entremise du Web»
Fabien Deglise 23 juin 2011 Science et technologie
«.quebec» pourra remplacer les actuels «.ca», «.info», «.com», «.net» ou «.org»... au début de 2013.
Photo : Agence Reuters
«.quebec» pourra remplacer les actuels «.ca», «.info», «.com», «.net» ou «.org»... au début de 2013.
C'est fait! L'identité québécoise va pouvoir prendre son envol... en format numérique. Au début de la semaine à Singapour, l'Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (ICANN), l'autorité suprême qui gère la formation des adresses sur la Toile à l'échelle mondiale, a ouvert la voie à la formation du suffixe «.quebec» dans les adresses Internet. Une nouvelle extension de nom de domaine, uniquement associé au Québec, qui, si tout va bien, pourra remplacer les actuels «.ca», «.info», «.com», «.net» ou encore «.org»... au début de 2013.
«C'est une décision qui nous rend très heureux», a indiqué hier Normand Fortier, président-fondateur de l'organisme PointQuébec qui, depuis 2007, milite activement pour la création de ce suffixe à forte valeur régionale et identitaire. Le Devoir l'a joint au téléphone dans la cité-État asiatique où il a pris part cette semaine à cette rencontre publique de l'ICANN. «Cela va permettre au Québec d'affirmer sa culture, son commerce, son talent, ses arts par l'entremise du Web, mais aussi à travers le monde.»
L'émergence possible dans le cyberespace du «.quebec» — sans accent, pour commencer — a été induit par une réforme plus large adoptée par le conseil d'administration de l'organisme international au début de la semaine et qui vient de libéraliser la formation des suffixes dans les adresses de site Internet. Jusqu'à maintenant, cette extension devait puiser dans un bassin restreint de quelque 300 possibilités. On y retrouve les marqueurs de pays — «.ca» (Canada), «.fr» (France), «.it» (Italie), «.tv» (Tuvalu), «.ly» (Libye) et compagnie — ou encore une série de suffixes génériques, comme les «.com», «.net», «.gov», «.org». Entre autres.
Depuis le début du siècle, l'ICANN, sous la pression de plusieurs groupes, a également fait apparaître 14 nouveaux suffixes, dont le «.xxx» pour identifier les sites à caractère pornographique, le «.mobi», pour les services mobiles ou encore le «.cat», premier nom de domaine linguistique et culturel accepté par l'organisme en 2006 pour les sites originaires de la Catalogne. Un LCTLD pour les intimes — pour linguistic and cultural top level domain — auquel plusieurs zones géographiques peuvent désormais aspirer.
Adoptée par 13 voix contre 3, cette réforme a été qualifiée par l'ICANN de «geste historique» marquant un «changement en profondeur de l'Internet». «La décision d'aujourd'hui fait entrer l'Internet dans un nouvel âge, a résumé Peter Dengate Thrush, président du conseil d'administration de l'organisme cité par The Guardian. Nous venons de mettre en place le cadre pour la prochaine génération de créativité et d'inspiration. Il n'y a aucune bonne raison de contraindre l'innovation. Elle doit être en liberté.»
Des lieux et des marques
Cette réforme des noms de domaine est l'une des plus importantes depuis la création du «.com», il y a plus d'un quart de siècle. Outre l'apparition de suffixes régionalement connotés, les nouvelles dispositions adoptées par l'ICANN à Singapour vont également permettre la formation de suffixes liés à des marques — «.nike», «.apple» ou «.aircanada» sont de l'ordre du possible —, mais aussi une série d'autres plus génériques comme le «.banque», le «.hotel», le «.sport», le «.bibliothèque», le «.theatre»... Au total, l'ICANN s'attend à traiter entre 500 et 1000 demandes de nouveaux suffixes. Celle pour la création du «.quebec» sera du lot.
«Les candidatures devront être déposées le 12 janvier prochain, précise M. Fortier. Et nous [l'organisme PointQuébec] allons être là», même si l'aventure administrative s'accompagne d'une facture plutôt salée: 185 000 $ pour l'évaluation de la demande, seulement, sans promesse d'approbation. Par la suite, 25 000 $ devront être versés annuellement pour sa gestion par l'ICANN.
Le «.quebec» qui, en 2008, a reçu l'appui unanime de l'Assemblée nationale du Québec, risque de côtoyer plusieurs autres marqueurs de localité actuellement sur la piste de départ: «.paris», «.berlin», «.newyork» ou encore «.toronto». Notons que Montréal n'a pas pour le moment de projet d'exister sous cette forme sur la Toile.
L'après-«.qc.ca»
L'ouverture à la diversité, entérinée cette semaine à Singapour par le gestionnaire mondial des noms de domaine, intervient moins d'un an après que l'Autorité canadienne pour les enregistrements Internet (ACEI) eut décidé de ne plus émettre au Canada de nouvelles adresses Web avec des particularités provinciales de type «.qc.ca» pour le Québec et «.on.ca» pour l'Ontario. L'organisme a justifié sa décision par le faible nombre de personnes qui se prévalaient de ce distinguo. Au Québec, 12 000 adresses de ce type ont vu le jour sur le 1,5 million d'adresses émises dans le «.ca». Elles resteront en usage tant que les propriétaires les renouvelleront, a garanti l'ACEI.
Pour M. Fortier, le «.quebec» ne devrait toutefois pas connaître le même sort étant donné la plus grande facilité avec laquelle il identifie un contenu numérique et en ligne en provenance du Québec. Une différence qui va devenir, selon lui, de plus en plus importante à souligner dans un cyberespace où les pages Web, adresses et contenus se multiplient de manière exponentielle. «Il y a actuellement 180 millions de noms de domaine, poursuit le président de PointQuébec, un organisme sans but lucratif. Ce nombre doit quadrupler d'ici 2015. Le Québec doit donc trouver une façon de prendre sa place» en commençant par la fin... de ces adresses sur le Web.