Au-delà du chef
20 juin 2011 par Joseph Facal
Toute l’histoire du PQ est jalonnée de crises internes. La crise actuelle est cependant une des plus graves, au point que la perspective d’une désintégration n’est pas inimaginable.
L’explication est simple. Tant que la souveraineté semblait se rapprocher, l’odeur de la coupe faisait que tous acceptaient de faire des compromis pour coexister. Aujourd’hui, le surplace du projet souverainiste pousse les uns au renoncement et les autres à la radicalisation.
Jadis, les tiers partis n’étaient pas non plus très attirants. Aujourd’hui, les déçus du PQ ont des sorties de secours. Ceux de gauche peuvent aller vers Québec solidaire, et ceux de droite vers Legault.
À chaque crise, on blâme le chef et son entourage. C’est une loi naturelle en politique. Bien sûr, Madame Marois et ses collaborateurs ont leurs torts et leurs limites.
Relevons cependant le regard. Depuis 1994, les résultats électoraux du PQ montrent une érosion régulière de son vote : 45 % en 1994, 43% en 1998, 33% en 2003, 28% en 2007. Or, quatre chefs se sont succédé à la barre.
C’est même Mme Marois qui a stoppé la glissade en 2008. Il est donc trop simple de tout mettre sur son dos.
Messieurs Duceppe, Drainville et Curzi sont indiscutablement des gens de qualité, mais il faut être furieusement déconnecté pour s’imaginer que l’un ou l’autre ferait tellement mieux que Mme Marois.
C’est simplement que le Québec a changé. Le PQ a essayé de s’ajuster, mais n’y est pas vraiment parvenu. Il est extraordinairement difficile de trouver un équilibre entre une mise à jour périodique, qui est nécessaire, et la fidélité à vos idéaux, qui est tout aussi nécessaire.
Quand Jacques Parizeau, la semaine dernière, a fait valoir que René Lévesque, à 40 ans, nationalisait les compagnies privées d’électricité, je suis retourné feuilleter les mémoires du fondateur du PQ, intitulées Attendez que je me rappelle et parues en 1986.
Quand René Lévesque y raconte son départ du PLQ en 1967, ce qu’il dit pourrait avoir été écrit ces derniers jours.
Un parti politique, écrit-il, est «un mal nécessaire», un véhicule dont il faut bien se doter pour transformer des idées en réalisations concrètes.
Malheureusement, ajoute-t-il, ils «vieillissent généralement assez mal». «Ils ont tendance à se transformer en églises laïques hors desquelles point de salut et peuvent se montrer franchement insupportables. À la longue, les idées se sclérosent, et c’est l’opportunisme politicien qui les remplace».
Évidemment, rien n’est joué. Mais admettons un instant que le PQ soit au bout de son rouleau historique. Serait-ce un drame ? Oui et non.
Il est certes douloureux de voir les difficultés éprouvées par un parti qui a tant fait rêver, qui est le porteur d’un projet aussi noble, logique et valable. Mais si les partis ne sont que des véhicules pour des projets, le projet souverainiste, qui en vaut la peine, finira par se trouver d’autres véhicules et d’autres chemins pour avancer.
Publié dans Journal de Montréal et Journal de Québec | 2 Commentaires »
2 réponses à “Au-delà du chef”
le 20 juin 2011 à 8:55 Avançons
Effectivement c’est désolant de voir ce qui se passe au PQ.À la différence de l’époque de M.Lévesque,le clivage entre la stratégie et les idéaux n’a pas fermenté et perduré pendant une longue période.M.Lévesque l’a imposé le beau risque en sachant pertinement que la pression n’était plus sur les épaules du mouvement souverainiste mais sur celle d’Ottawa.
Ce que vous appelez le juste équilibre,j’appelerais ça moi le dilemne entre le court terme, soit l’appétit du pouvoir,et le long terme,la promotion de la souveraineté dans une dynamique d’évolution normale d’un peuple.
M.Lévesque n’aimait pas,en général, toute la poutine entourant la vie politique à l’intérieur du parti.Il trouvait ça très limitatif et n’aimait pas se faire dicter la façon de faire.Il acceptait aussi très difficilement les longs appalaudissements des fins de congrès où souvent il a imposé,à force de menace,sa vision et sa façon de faire.Pour avoir assister au 7e congrès du parti en 1977, j’ai été vraiment impressionné de voir M.Lévesque rabroué ouvertement, au discours de clôture, tout ceux qui osait tenter un virage un peu trop à gauche ou sectaire quant à l’intégration des immigrants.
Quand même paradoxal de voir M.Parizeau se rappeler de M.Lévesque quand il a été le premier à démissionner lors du changement d’approche stratégique face à Ottawa.Je persiste à croire que M.Parizeau a été celui qui a le plus profiter de cette approche ou ce virage stratégique imposée par M.Lévesque.
le 20 juin 2011 à 9:27 Ambidextre
Les propos de M. Lévesque me font penser à l’histoire d’une passion amoureuse. Il y a le coup de foudre et l’amour passionné qui nous fait oublier tous les défauts de l’autre, puis la routine qui s’installe, les reproches quant à des détails qui nous paraissaient autrefois anodin, puis les crises et enfin la séparation.
Je ne connais pas beaucoup de coups de foudre qui se soient transformés en relation durable. Une fois la passion consumée, il ne reste que des cendres.
Peut-être, au fond, le PQ est-il le fruit d’une passion qui s’est essouflée…
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