L’intensification de l’enseignement de l’anglais langue seconde
(dans les écoles primaires francophones du Québec) :
ses causes, ses effets et pistes de solution
par
François Gauthier
Janvier 2002
Version révisée de l’article publié en septembre 2001 dans la revue l’Action nationale.
Cet article a été écrit avant la publication du rapport final de la Commission Larose et contient de légères différences vis-à-vis ce rapport final.
1. Introduction
La langue anglaise exerce un attrait considérable auprès des Québécois francophones, cela pour diverses raisons fort compréhensibles. De nombreux parents, enseignants et administrateurs scolaires font la promotion de divers genres de projets dans les écoles primaires francophones. Certains projets sont en vue d’implanter des programmes intensifs (1), d’autres pour des écoles internationales (2) et plus récemment des projets issus du ministère de l’Éducation du Québec et proposés par les ministres successifs de l’éducation Pauline Marois et François Legault en vue d’abaisser l’âge du début de l’apprentissage de l’anglais pour l’ensemble de la population scolaire francophone du Québec (3). La disponibilité de divers projets particuliers dans certaines écoles engendre un engouement pour ces projets, une recherche des parents pour obtenir un service analogue, voire une compétition entre les écoles sous le couvert d’offrir un meilleur service, bref d’être une meilleure école.
Et, évidemment, aucun parent ne veut envoyer son enfant dans une école de moindre qualité. Il en découle une course frénétique pour avoir plus d’heures d’enseignement d’anglais, et un enseignement de plus en plus jeune. Comités de parents, conseils d’établissement, directions d’écoles, directions de commissions scolaires ainsi que les commissaires s’élancent dans cette course de lemmings suicidaires avec seul objectif de paraître efficaces et en harmonie avec la modernité, et avec seule justification un prétendu meilleur âge pour l’apprentissage des langues. Évidemment, de nombreux arguments autres que le meilleur âge sont présentés par les promoteurs de ces divers projets.
Dans le Québec actuel, de critiquer l’extension de l’enseignement de l‘anglais langue seconde dans les écoles primaires françaises est si peu de bon ton que les rares personnes qui osent le faire le font timidement car ils se font vite rabrouer tout autant par les masses que par des professionnels de l’enseignement et cadres scolaires, que par des élites intellectuelles, médiatiques et politiques. Non seulement le font-ils timidement mais ils le font souvent avec l’impression d’un combat perdu d’avance, tellement ils se sentent seuls dans leur recherche d’éclaircissements, isolés par l’absence de soutien, mais surtout isolés par l’absence généralisé d’un discours éclairé sur lequel s’appuyer pour soutenir leurs appréhensions, pour soutenir leur volonté de mettre en doute le bien-fondé de ces projets, isolés par l’absence d’un discours pour les guider. Plusieurs se sentent seuls lorsqu’ils ne font que mettre en doute pour comprendre ce qui leur semble étrange, mettre en évidence la contradiction entre la volonté généralement manifestée de renforcer la vie française au Québec et la volonté d’étendre l’usage de l’anglais. Si plusieurs se sentent seuls à seulement mettre en doute le bien-fondé de ces projets, que penser de la solitude et de l’isolement que peuvent sentir ceux qui, dans les écoles, osent s’opposer à l’augmentation du nombre d’heures pour l’apprentissage de l’anglais. Dans ce domaine, tout se passe comme si la rectitude politique n’était que du côté de l’augmentation du nombre d’heures et de l’abaissement de l’âge pour l’apprentissage de l’anglais. Et ceux qui ne sont pas du côté de cette rectitude sont vite considérés rétrogrades, tarés, bornés ou empêcheurs du progrès.
En soutenant que l’apprentissage de l’anglais offre une ouverture sur d’autres cultures, de nombreuses personnes du monde de l’enseignement, du monde des médias, de l’élite québécoise et autres modeleurs de l’opinion publique n’hésitent pas à insinuer ou laisser croire que de s’opposer à l’augmentation des heures d’apprentissage de l’anglais au primaire constitue un repli sur soi, une anglophobie ou même une xénophobie, ou un retour à un passé dépassé. Ces charges méprisantes à l’encontre de ceux qui doutent et qui souhaitent connaître de vrais arguments éclairants découragent de nombreuses personnes et contribuent au maintien d’un discours unique et dogmatique, qui dans la réalité est frauduleux.
1.1 Une légitimité discutable
L’implantation de toutes sortes de programmes de nature à augmenter le temps d’enseignement de l’anglais au primaire sous l’oeil bienveillant du ministère de l’Éducation du Québec, donne à ces projets une légitimité intellectuelle qu’ils ne méritent pas et laisse croire à tous les intervenants dans les écoles que ces programmes n’ont que des effets bénéfiques. Mais est-ce vraiment le cas?
Il y a dans les écoles québécoises un discours prétendant l’existence d’un meilleur âge pour l’apprentissage des langues et soutenant que ce meilleur âge serait en bas âge : plus l’enfant serait jeune, mieux ça serait . Mais y a-t-il vraiment un meilleur âge? Et, n’y aurait-il que des résultats bénéfiques?
1.2 Les programmes intensifs
Ces programmes sont dits intensifs parce que le nombre d'heures d'enseignement affecté à l'anglais langue seconde (ALS) est plusieurs fois supérieur à la norme et cela impose une réorganisation des horaires et de l'enseignement des autres matières en particulier l'enseignement du français.
Ces programmes intensifs, pour l'essentiel, sont des bains linguistiques auxquels on consacre habituellement environ la moitié d'une année scolaire particulière du deuxième cycle du primaire (soit en 4e, 5e, ou 6e). Il ne s'agit donc pas d'une formation intensive dans le sens qu'on y apprend plus par heure d'enseignement; il s'agit en réalité d’une augmentation considérable du nombre d'heures consacrées à l'anglais langue seconde (ALS) au détriment du nombre d'heures consacrées aux autres matières, principalement le français.
Les premiers projets d’enseignement intensif de l’anglais langue seconde (EIALS) ont été autorisés par le ministre de l’Éducation à la fin des années soixante-dix dans deux commissions scolaires (Greenfield Park et Mille-Îles) à titre expérimental. Évidemment les promoteurs des projets ont été satisfaits de leur travail. Les seules études faites sur de tels projets ont été faites par des chercheurs des universités McGill et Concordia. Dix ans plus tard, près de trente (30) commissions scolaires avaient autorisé l’implantation de ces programmes intensifs dans plusieurs écoles. Peu avant les récentes fusions des commissions scolaires il y avait déjà quelque cinquante (50) commissions scolaires ayant implanté ces programmes intensifs. Sans avoir fait une vérification du résultat depuis les fusions, on peut estimer que la majorité des actuelles commissions scolaires françaises du Québec ont de tels projets en cours et probablement d’autres en devenir.
Les premiers projets étaient faits à titre expérimental, puis d’autres ont suivi. Quelles recherches ont été faites pour examiner les conséquences de ces projets? Quelle est la nature de ces recherches? Qu’ont-elles examiné exactement? Les résultats de ces recherches ont-ils été validés par d’autres chercheurs? Ces recherches donnent-elles des résultats conformes à des recherches sur des programmes analogues dans d’autres sociétés? A-t-on recherché des effets pervers ou s’est-on contenté d’examiner le seul aspect qu’on voulait valoriser? Le fait de n’examiner que le seul aspect qu’on veut valoriser n’est-il pas déjà une tromperie? Qui se soucie des effets pervers? Qui a intérêt à se soucier des effets pervers? Les promoteurs ont-ils intérêt à se soucier des effets pervers... et d’en parler?
1.3 Les écoles internationales
Des reportages élogieux ont entraîné l’implantation de plusieurs écoles internationales. Les premières écoles dites internationales dans d’autres pays étaient destinées au personnel des ambassades et au personnel des grandes entreprises qui sont appelés à habiter dans les principales capitales et qui peuvent être mutés d’une capitale à l’autre. Ces écoles (privées) avaient et auraient toujours pour caractéristique d’avoir un programme commun pour éviter aux enfants les bouleversements causés par les changements de programmes lors des déménagements d’une capitale à l’autre. Comme ces écoles risquent de ne pas avoir suffisamment d’élèves si elles restreignent l’accès aux seuls enfants de diplomates et des cadres supérieurs de passage, elles admettent aussi des enfants du pays, ce qui les oblige à avoir un programme qui satisfasse à la fois les obligations du pays où elles sont situées et le tronc commun dit international ; de ce fait elles sont moins internationales qu’elles le disent. La principale caractéristique de ces écoles est d’offrir l’enseignement de trois langues, qui sont (au Québec) l’anglais, le français et l’espagnol. Présumément, les enfants sortiraient de ces écoles connaissant les trois langues. Il y a autour de ces écoles un discours à l’effet d’assurer une ouverture sur les autres cultures; cette présumée ouverture peut être très variable d’une école à l’autre et peut être moindre que dans d’autres écoles multiethniques du réseau public. Par ailleurs, même si la connaissance de la langue de l’autre facilite considérablement l’ouverture à l’autre, ce n’est pas par quelques écoles internationales (réservées aux élèves privilégiés) qu’on peut régler les nombreux conflits ethniques qui sont courants dans les écoles publiques fréquentées par les masses pauvres.
Le discours élogieux autour de cette formule a eu pour effet que certaines commissions scolaires publiques ont entrepris de créer des écoles dites internationales enseignant les trois langues pour retenir au sein du réseau public certains élèves qui auraient pu être inscrits au privé par leurs parents.
On peut mettre en doute le bien-fondé de cette pratique dans le réseau public. Si ces enfants restent officiellement inscrits dans le réseau public, ils n’en sont pas moins retirés des écoles régulières. On doit mettre en doute l’utilisation des ressources du réseau public pour créer des imitations d’écoles privées en faveur d’une clientèle généralement privilégiée et qui dans bien des cas pourrait payer pour ce service en envoyant ses enfants au privé. Si le réseau public a des ressources excédentaires, ne devrait-il pas plutôt les utiliser pour les clientèles en difficulté? Les écoles internationales publiques tout comme les écoles privées ont pour effet d’entraîner une concentration de la clientèle en difficulté dans certaines classes des écoles publiques régulières. Est-ce que la concentration de la clientèle en difficulté est vraiment l’objectif recherché par les administrateurs du MEQ, par les commissions scolaires et par les personnalités politiques? La concentration de la clientèle en difficulté dans certaines classes doit être compensée par la disponibilité de ressources additionnelles pour ces écoles; y a-t-il de telles ressources additionnelles? Faute de preuves du contraire permettons-nous d’en douter, surtout lorsqu’on connaît le manque criant (entre autres) d’orthophonistes, d’orthopédagogues et de psychologues à la disposition des élèves du primaire. Les conséquences de ce filtrage de la clientèle peuvent affecter TOUS les élèves qui ne bénéficient pas d’un service privilégié. Pour les nombreux enfants ayant de bons résultats mais exclus des écoles internationales, ceci constitue une injustice qui doit être dénoncée.
1.4 Abaissement de l’âge du début de l’apprentissage de l’anglais
Ces dernières années les ministres successifs de l’Éducation, Pauline Marois et François Legault, ont annoncé des mesures en vue d’abaisser l’âge du début de l’apprentissage de l’anglais dans les écoles françaises du Québec. Plus récemment, la commission des États généraux sur la langue française a embarqué dans le train en marche de l’abaissement de l’âge pour l’apprentissage de l’anglais après un examen plus que superficiel de la question. Cela toujours en fonction de la croyance populaire à l’effet qu’il existerait un meilleur âge pour l’apprentissage des langues et que cet âge serait en bas âge.
Ces initiatives sont particulièrement étonnantes. On peut se demander sur la base de quel raisonnement les ministres Marois et Legault entreprennent ainsi d’abaisser l’âge de l’apprentissage de l’anglais de la quatrième année à la troisième année puis ensuite de la troisième à la deuxième année pour l’ensemble de la population. Sont-ils mal informés, de mauvaise foi ou naïfs? Sont-ils mal informés par les cadres du Ministère de l’Éducation du Québec ? Les acteurs sociaux doivent exiger qu’ils justifient ces décisions et qu’ils s’expliquent publiquement !
On peut aussi s’étonner que le gouvernement formé par un parti qui déclare vouloir faire la souveraineté en brandissant l’étendard de la langue, entreprenne ainsi de faciliter le passage de l’ensemble de la jeunesse québécoise vers la langue anglaise. Quelle étourderie. Même les gouvernements libéraux et fédéralistes de Lesage, Ryan et Bourassa n’auraient pas fait ça. Mais les Québécois ne seraient pas les premiers à commettre pareille bourde et d’accomplir leur suicide ethnique : Le professeur McNulty, spécialiste renommé des langues en voie de disparition (particulièrement amérindiennes), racontait que l’indépendance de la république d’Irlande s’est faite au début du siècle en brandissant l’étendard de la langue alors qu’il y avait environ 500 000 personnes qui parlaient le gaélique. Il y a environ vingt ans, il ne restait plus en Irlande que quelque 25 000 personnes qui parlaient la langue nationale. Les hauts fonctionnaires de l’État et les politiciens n’ont pas su prendre les décisions nécessaires pour assurer la primauté de leur langue : encouragée par les élites ainsi que les pressions sociales et économiques, presque toute la population s’est mise à parler anglais plutôt que la langue nationale. Est-ce pareil destin qu’on veut pour la langue française au Québec ?
2. La vérité sur le meilleur âge
2.1 Introduction
Il est intéressant de comparer le discours relatif au meilleur âge à l'état de la question. Les promoteurs répètent qu'il y a un meilleur âge, que c'est prouvé par des études scientifiques, que ce meilleur âge serait inférieur à 12 ans (le chiffre exact variant selon le besoin du moment). Mais qu'en est-il au juste? Sur quelles études se basent-ils? Y a-t-il eu des études scientifiques sur le sujet, et si oui, lesquelles et qu'ont-elles mesuré exactement? Ces études sont-elles fiables? Y a-t-il un meilleur âge et si oui, quel est-il? Y a-t-il des facteurs déterminants dans l'apprentissage d'une langue seconde et, si oui, quels sont-ils?
2.2 Une croyance populaire sur le meilleur âge
Il existe une croyance populaire à l'effet qu'un jeune enfant peut mieux apprendre une langue étrangère qu'un adolescent ou un adulte. Cette croyance semble très répandue non seulement auprès des masses, mais aussi auprès des enseignants, des cadres scolaires, ainsi que des gens instruits et généralement bien renseignés.
Plusieurs auteurs dans plusieurs pays ont déjà fait état de cette croyance populaire (SELIGER, KRASHEN et LADEFOGED, 1982: p. 13; ASHER et PRICE, 1967: p. 1219; OLSEN et SAMUELS, 1973: p. 263; ASHER et GARCIA, 1969: p. 335; OYAMA, 1976: p. 261; SNOW et HOEFNAGEL-HÖLE, 1982: p. 84; KRASHEN, LONG et SCARCELLA, 1982: p. 161). Qu'il y ait pareille croyance dans plusieurs pays n'est pas surprenant, car il est facile pour l'adolescent ou l'adulte unilingue de s'émerveiller en présence d'un jeune enfant paraissant bilingue ou polyglotte. Ce phénomène n'est pas récent, il est connu depuis des siècles. La majorité des adolescents et des adultes n'est pas en mesure d'évaluer et de délimiter l'étendue réelle des connaissances et des habiletés du polyglotte ou du bilingue, ni d'évaluer la nature ni l'impact des interférences linguistiques. On se laisse impressionner et on croit facilement que tout est permis et possible dans les diverses langues parlées par l'enfant, comme s'il possédait toutes les habiletés possibles dans les diverses langues qu'il parle. Aussi nombreux, vibrants et émouvants que peuvent être les témoignages d'émerveillement venant de toutes parts, ces témoignages ne peuvent pas remplacer l'objectivité de la recherche scientifique.
2.3 Des théories pour soutenir cette croyance
Comme les gens ordinaires, les scientifiques de tous les domaines font des observations premières. C'est le propre de celui qui est animé de l'esprit scientifique de se méfier de ses observations premières. Malheureusement, lorsque le scientifique sort de son domaine d'expertise les risques d'erreur augmentent considérablement. Certains chercheurs réputés dans leur domaine d'expertise ont suggéré une explication biologique pour soutenir cette croyance et ont proposé des théories pour cette fin. C'est ainsi qu'on se retrouve en présence des théories suivantes :
1) la théorie de la plasticité du cerveau proposée par Wilder PENFIELD en 1953 (BIBEAU, 1982: p. 69; ASHER et GARCIA, 1969: p. 334) et, P. GLEES aurait proposé une théorie analogue en 1961 (BIBEAU, 1982: p. 69);
2) la théorie de la prédisposition biologique de LENNEBERG proposée en 1964 (BIBEAU, op. cit.; ASHER et GARCIA, op. cit. );
3) la théorie de l'empreinte biologique de Konrad LORENZ proposée en 1958 (ASHER et GARCIA, op. cit.).
Depuis, plusieurs recherches scientifiques ont été faites par des professionnels de l'enseignement des langues dans l'espoir de confirmer ou d'infirmer ces théories, pour mesurer et/ou vérifier la relation entre l'âge et la capacité d'apprentissage d'une langue étrangère. Quoique cela fasse plus de 45 ans que PENFIELD ait proposé sa théorie - et environ 35 ans pour les autres - aucune recherche scientifique fiable n'a jamais pu confirmer l'une ou l'autre de ces théories. Contrairement aux affirmations des promoteurs de l’accroissement de l’enseignement de l’anglais en bas âge, l’existence d’un meilleur âge n’est donc pas prouvé. Qu’est-ce que ces recherches ont donc démontré?
2.4 Des recherches sur l'âge
Au cours des quelque 45 ans depuis la publication de ces théories, des recherches sur cette question ont été faites, entre autres, par Clare BURSTALL en Grande Bretagne pendant 10 ans pour l'enseignement du français auprès d'environ 17 000 élèves (STERN, BURSTALL et HARLEY, 1975: p. 10), par ASHER et PRICE (1967: p. 1219) aux États-Unis pour l'enseignement du russe, par SNOW et HOEFNAGEL-HÖHLE (1978: p. 1115) en Hollande pour l'enseignement du hollandais à des immigrés anglophones, par Lars Henrik EKSTRAND (1982a: p. 136) et par Toukomaas en Suède pour l'enseignement du suédois aux immigrés (EKSTRAND, 1982b: p. 128), par CARROLL (1975: pages 15 et 45) pour l'enseignement du français auprès de 30 000 élèves dans huit (
pays: l'Angleterre (et Galles), la Nouvelle-Zélande, les États-Unis, l'Écosse, le Chili, la Suède, la Hollande et la Roumanie. Cette dernière étude a été financée par plusieurs organismes dont l'UNESCO. Ces recherches ont couvert une variété d'aspects relatifs à la compréhension en lecture et en écoute, ainsi qu'à l'expression orale et écrite. Toutes ces études ont donné des résultats en contradiction flagrante avec les théories à l'effet que l'apprentissage précoce serait plus efficace.
En ce qui a trait à la phonétique, presque tous les écrits qui traitent de cet aspect ne font que des appréciations subjectives ou des analyses après que la formation a eu lieu sans le moindre contrôle sur les conditions d'apprentissage. Une recherche portant directement sur cette question (avec contrôle sur les conditions d’apprentissage) a été faite aux États-Unis par OLSON et SAMUELS (1973). Dans cette recherche, des phonèmes allemands (différents des phonèmes de l'anglais) ont été enseignés à des élèves anglophones d'âges variés dans des conditions de laboratoire. Encore là les résultats de la recherche sont en contradiction avec la croyance populaire et les théories de PENFIELD, LENNEBERG, GLEES et LORENZ.
D'une manière générale, dès que les conditions d'apprentissage sont l'objet d'un contrôle pour assurer une fiabilité valable des résultats, on trouve que les élèves plus âgés ont de meilleurs résultats: les jeunes adultes ayant en moyenne des résultats supérieurs à ceux des adolescents qui eux ont des résultats supérieurs à ceux d'enfants plus jeunes. ...
lC’est cette pensée magique qui fait que des cadres en éducation acceptent que certains élèves devenus adultes auront reçu la grâce magique de la connaissance et tant pis pour les autres. Il en résulte que nombre d’adultes compétents dans leur domaine d’expertise sont laissés pour compte parce qu’aucun ensemble de mesures structurées n’est disponible au Québec pour leur permettre d’obtenir, à l’âge adulte, la compétence en anglais dont ils ont besoin pour leur travail. L’absence de mesures adéquates pour le bénéfice des adultes fait de ces adultes déçus des proies faciles pour le discours mensonger disant que le meilleur âge est en bas âge.
7.1 Les recommandations :
Arrêt du projet gouvernemental d’abaisser le début de l’enseignement de l’anglais langue seconde en bas de la quatrième année du primaire dans les écoles françaises.
Interdiction de tout nouveau projet d’enseignement intensif de l’anglais langue seconde dans les écoles primaires françaises et retrait progressif des projets existants.
Interdiction de tout nouveau projet d’écoles dites internationales dans les écoles primaires françaises du réseau public et retrait des projets existants.
Implantation de nouveaux programmes intensifs d’anglais langue seconde soit vers la fin du secondaire ou au collégial ( ou les deux).
Implantation de programmes (intensifs et réguliers) de divers niveaux et spécialisés aux secteurs collégial et universitaire tant pour la langue parlée qu’écrite, ainsi que pour des formations langagières spécialisées à des domaines particuliers d’activités tels que les affaires, la gestion, le droit, les techniques industrielles, le journalisme, la culture et autres. (Afin de s’assurer que des programmes efficaces soient disponibles pour les adultes, en fonction de leurs besoins professionnels.)
Implantation de programmes d’assistance pécuniaire pour faciliter aux adultes l’accès à ces nouveaux programmes d’apprentissage de l’anglais, par des mesures spéciales disponibles autant pour ceux qui ont un emploi (droit au congé), que ceux sans emploi et les prestataires de la sécurité du revenu aptes au travail et ceux qui ont épuisé l’accès au régime d’aide financière aux étudiants pour obtenir un diplôme collégial ou universitaire, mais qui doivent obtenir la compétence additionnelle que constitue la connaissance d’une langue supplémentaire. Il faut un décloisonnement et un assouplissement des règles d’aide, en faveur des adultes désirant apprendre une langue supplémentaire quelle qu’elle soit pour accroître leur compétence.
Retrait progressif et rapide de l’enseignement de l’anglais langue seconde au primaire et au premier cycle du secondaire, en fonction de la disponibilité des programmes pour adultes.
Mise en oeuvre de mesures d’information auprès des enseignants et des administrations scolaires afin de contrer le discours mensonger et afin d’expliquer les motifs du virage nécessaire. Mise en oeuvre de mesures d’information destinées aux parents qui demanderaient le maintien ou l’augmentation du temps d’enseignement de l’anglais au primaire.
Mise en oeuvre dans les écoles publiques de langue anglaise de mesures similaires pour assurer (par équité historique) aux jeunes anglophones du Québec le maintien et la protection de leur culture (ce qui exclut ceux inscrits à l’école française par leurs parents).
Intensification immédiate des recherches en psychologie et en sociologie linguistiques ainsi qu’en psychologie et en sociologie culturelles afin d’étudier à long terme les changements d’attitudes, de comportements et de pratiques.
Intensification immédiate des recherches en linguistique pour l’étude à long terme de la nature et de la fréquence des interférences linguistiques...