La mémoire
Cela ne fait que confirmer la thèse des principaux détracteurs du PQ à l’effet que le PQ ressemble de plus en plus à l’ancienne Union Nationale.
Louis Lapointe
Billet de Louis Lapointe
lundi 9 juin 2008 667 visites 15 messages
Je suis allé au colloque de l’IPSO en fin de semaine. De la bouche de Pierre-Alain Cotnoir, un docteur en psychologie spécialiste de l’opinion publique, j’ai appris que le tiers des électeurs québécois n’avait pas de mémoire parce qu’il ne s’intéressait pas à la politique, que ces électeurs avaient voté ADQ aux dernières élections, que la plupart était des jeunes, et qu’ils se retrouvaient surtout dans la région de Québec et le 450 !
Or, toute la stratégie du PQ au cours des dernières années a été construite en fonction de ce segment de la population qui ne s’intéresse pas à la politique. En présentant un programme qui met l’accent sur les gestes de souveraineté, une version hard de l’affirmation nationale, le PQ oublie tous ceux qui ont placé la souveraineté au centre de leur action politique. On comprend maintenant pourquoi Québec Solidaire compte une plus grande proportion de souverainistes que le PQ au sein de sa formation, les souverainistes étant souvent des gens progressistes selon M.Cotnoir. On comprend mieux pourquoi on assiste à la naissance d’un nouveau parti qui a fait de l’indépendance son principal objectif. On comprend également pourquoi le PQ ne recueille qu’un peu plus de 32 % de la faveur populaire, alors que la souveraineté recueille plus de 40% de l’ensemble de la faveur des Québécois.
On a également appris que les jeunes s’intéressaient plus à leur carrière qu’à l’indépendance. Dans cette perspective, on n’est guère plus étonné lorsqu’on entend la présidente du comité des jeunes du PQ faire l’apologie de la stratégie des gestes de souveraineté et, en privé, rejeter du revers de la main une stratégie faisant de chaque élection un rendez-vous où les indépendantistes pourraient se prononcer majoritairement sur l’indépendance comme le propose Claude Bariteau, l’objectif étant qu’une pluralité de partis qui sont indépendantistes atteigne ensemble un jour 50%+1 de la faveur des électeurs Québécois. Beaucoup plus de jeunes s’intéressent à leur carrière qu’à l’indépendance, voilà pourquoi plusieurs d‘entre eux font de la politique active, ceux du PQ n’étant pas tellement différents de ceux du PLQ et de L’ADQ, leurs intérêts personnels priment.
L’objectif actuel du PQ se résume donc à se faire élire grâce l’appui des adéquistes de la région de Québec et du 450, exactement le même objectif que les Libéraux de Jean Charest. Voilà pourquoi le PQ, le PLQ et l’ADQ se ressemblent de plus en plus dans leurs discours sur l’économie, l’environnement, l’éducation et la famille. Ce sont des partis qui construisent toute leur stratégie en fonction d’un électorat qui n’a pas de mémoire.
On peut comprendre les motivations du PLQ qui n’a rien à perdre et tout à gagner avec une telle stratégie, car le ciment de cette formation est d’empêcher que le Québec devienne un pays indépendant un jour. Mais dans le cas du PQ, cette stratégie peut être désastreuse, car elle risque de faire fuir tous ceux qui se souviennent pourquoi ils sont devenus membres de ce parti. C’est un pari très risqué, car les indépendantistes, les progressistes et les verts peuvent également s’identifier plus facilement dans trois autres partis : le Parti Indépendantiste, Québec Solidaire et le Parti Vert. Comme il y a plus de progressistes dans ces partis, il y aura forcément de plus en plus de vrais indépendantistes qui s’y retrouveront entre eux : « Qui s’assemble, se ressemble ! ».
En ne parlant plus d’indépendance, que de gestes de souveraineté, en voulant « moderniser » la social démocratie et en n’ayant aucun discours cohérent sur des projets aussi désastreux et dangereux que Rabaska, on comprend que le PQ a oblitéré tout ce qui le distinguait de ses principaux adversaires pour gagner l’électorat adéquiste de la grande région de Québec et du 450 !
Par le fait même, on comprend aussi pourquoi la clientèle que vise le PQ est de moins en moins composée d’ indépendantistes ou de progressistes, surtout d’affirmationnistes. Des gens qui n’ont pas de mémoire, surtout des attentistes, le genre de clientèle qui apprécie l’actuel style de gestion du gouvernement Charest !
Cela ne fait que confirmer la thèse des principaux détracteurs du PQ à l’effet que le PQ ressemble de plus en plus à l’ancienne Union Nationale. On comprend alors pourquoi les gens qui s’intéressent vraiment à la politique sont de plus en plus cyniques face aux trois grandes formations politiques du Québec, pour qui gouverner signifie d’abord ne rien faire qui pourrait déranger la majorité tranquille !
Louis Lapointe
Brossard