Vous êtes pas tannés... bande de caves !
Michel Vastel
Journal de Québec - samedi 11 novembre 2006
--------------------------------------------------------------------------------
La fameuse phrase de Claude Péloquin, gravée par l’artiste Jordi Bonet dans le béton du Grand Théâtre de Québec, devrait être reprise par nos chefs politiques. Ainsi arriverait-on, peut-être, à sortir les Québécois de leur torpeur. « Vous êtes pas tannés de mourir... », dit Péloquin. Les Québécois n’en sont peut-être pas là... C’est pire ! Se faire rétrograder sans cesse, rapetisser, humilier, et sans jamais réagir, fera d’eux ces colons qui inspirèrent son cri du coeur au poète. « C’est assez ! » ajouta-t-il d’ailleurs.
Qu’il s’agisse du Parti libéral du Canada et de ses aspirants portiers de la fédération dont le premier rôle est celui de remettre le Québec à sa place, ou de l’hypocrite Parti conservateur du Canada, faussement ouvert au Québec pendant des campagnes électorales qui lui permettent d’avoir une dizaine de valets de chenil indigènes pour donner le change : le Québec n’a plus d’amis. Normal, il ne fait plus peur.
Quand, de surcroît, certains médias d’ici collaborent à une véritable lobotomie des esprits, on finira bien par tirer cette odieuse conclusion : nous sommes collectivement trop imbéciles pour mériter un petit pain ! [Je reviendrai d’ailleurs sur cette troublante question du rôle spécifique de La Presse, de The Gazette et du Globe and Mail...]
Un chef
Il nous manque un chef, un vrai, qui lance au reste du pays et à ses thuriféraires de l’intérieur : « c’est assez ! » justement. Il n’est pas nécessaire que ce soit un péquiste. Ce serait même mieux que cela vienne d’un libéral. Il ne suffit pas de dire : « travaillez, prenez de la peine... », encore que ce ne soit pas incompatible. Mais quand on se fait sans cesse remettre à sa place, on finit par s’écraser. Ceci explique peut-être cela.
Les exemples ne manquent pas mais l’épisode le plus choquant est celui de la reconnaissance du Québec. Ce n’est pas que les Québécois se demandent tous les matins s’ils vont enfin faire partie d’une nation bien à eux. Mais cela prend une belle dose de sadisme pour en évoquer la possibilité, en faire un beau discours, susciter l’enthousiasme, pour enfin retirer le jouet en nasillant : « Non ! Tu l’auras pas ! Na, na, na... »
Pire encore, il est maintenant plus payant de retirer quelque chose au Québec que de confirmer son droit. Alors, on offre pour mieux retirer. Si les Québécois étaient des enfants, il faudrait dénoncer les libéraux fédéraux à la DPJ.
« Fédéralisme d’ouverture »
Quant aux conservateurs... Le 19 décembre, à Québec, leur chef promettait un « fédéralisme d’ouverture », en particulier sur la scène internationale. Stephen Harper a accouché d’une souris à l’UNESCO, et cet heureux ( ?) développement ne s’est guère montré durable en environnement. Dans le cadre du Programme des Nations unies pour l’environnement, le ministre Claude Béchard devrait être intégré à la délégation officielle canadienne en tant que représentant du Québec, et la ministre fédérale Rona Ambrose devrait au moins lui soumettre son discours à l’Assemblée générale de Nairobi. « Le Canada parle d’une seule voix », s’est plutôt fait dire le Québec.
Blocage
Un sondage révèle que les Canadiens seront encore moins tentés de voter pour un parti qui reconnaîtrait le Québec comme une nation. Encore moins s’il voulait écrire cela dans la Constitution. Mais d’où vient ce blocage ? Une analyse du débat sur la nation, réalisée par Influence Communication, révèle que 21 % des articles publiés au Québec, et 12 % des articles dans le reste du Canada, viennent respectivement de The Gazette et du Globe and Mail - une proportion très supérieure à leur poids réel. Ce sont aussi les plus farouches adversaires de la proposition des libéraux québécois.
Il faut ajouter à cela l’effet pervers de la ligne éditoriale de La Presse. Autrefois, ce journal était celui de tout le monde, chacun dans la maison se partageant son cahier, selon ses goûts.
Au plan politique, libérale et fédéraliste, La Presse ne rejetait aucune idéologie. Mais depuis que les pages d’opinion ont été placées sous la direction d’André Pratte, La Presse rejette, bannit, méprise. En gros, le message de Pratte aux Québécois est devenu : « Vous n’êtes capables de rien de bon. Regardez ce que font les autres, c’est tellement mieux ! Et n’allez surtout pas vous plaindre puisque vous êtes responsables de votre malheur. Alors, le débat sur la nation, ne vous mêlez pas de ça, c’est pour les grands... » On se demande même comment, commercialement, Paul Desmarais y trouve son compte tant les opinions de La Presse excluent de monde !
On en rirait si ce n’était aussi déplorable et méchant. J’attends avec impatience le chef qui mettra son poing sur la table et dira : « C’est assez ! »
Claude Ryan l’aurait fait, lui, depuis longtemps. Alors, monsieur Charest, qu’attendez-vous ?
----------------