2006 10 26
Quebecor congédie deux journalistes
La société était menacée de poursuite par Charest pour des articles sur sa capacité de payer
Simon Boivin (Le Soleil)
Deux journalistes de Quebecor ont été congédiés, cette semaine, après des mises en demeure du premier ministre Jean Charest pour des articles mettant en doute sa capacité à payer ses deux résidences.
"Je trouve révoltant, voire scandalisante, la conduite de Quebecor d'avoir renvoyé un chef de pupitre et un journaliste pour acheter la paix", a dénoncé Me Guy Bertrand, qui a été saisi du dossier, hier.
Dans son édition du 20 octobre, le Journal de Sherbrooke a publié deux textes du journaliste Alain Bérubé. L'un d'eux reprend l'essentiel des propos d'un journal souverainiste, Le Québécois, qui a enquêté sur les biens immobiliers du premier ministre et s'interroge sur sa capacité à se les offrir avec son salaire. L'autre article est une réaction du bureau de premier ministre à ces allégations qualifiées de "tissu de mensonges" par l'attaché de presse de M. Charest.
L'avocat de M. Charest, Gérald Tremblay, de chez McCarthy Tétrault, a signé quatre mises en demeure. Une pour Le Québécois, une pour le Journal de Sherbrooke, et deux pour le Journal de Montréal et le Journal de Québec qui ont référé à ces textes. "En gros, ce que les mises en demeure disaient, c'est :"Ou vous vous rétractez, ou on vous poursuit"", indique Me Tremblay. Au moment où Le Soleil l'a contacté, hier, l'avocat n'était pas au courant des deux congédiements au Journal de Sherbrooke.
Selon Me Tremblay, une éventuelle poursuite en dommages dépendra de l'appréciation du premier ministre Charest des excuses qui pourraient lui être présentées. "Si ça efface, on oublie ça, sinon on poursuit", résume-t-il.
Hier, le rédacteur en chef du Québécois et auteur du texte à l'origine de la controverse, Patrick Bourgeois, a passé la journée au bureau de Me Bertrand. Sur les conseils de ce dernier, M. Bourgeois n'a pas parlé au Soleil. Son avocat n'a pas voulu dire s'il se rétracterait. "La balle est dans le camp de celui qui veut poursuivre", estime-il.
Guy Bertrand confie que le Journal de Sherbrooke a fait une bourde en publiant de grosses photos d'une résidence qui n'appartient pas à M. Charest. Mais pour lui, ni le texte du Québécois, ni ceux du Journal ne sont des "erreurs".
"J'en ai pris, des poursuites contre des journalistes qui ont fait des erreurs, dit Me Bertrand. Il y a des erratums, des excuses. Mais on ne congédie pas quelqu'un pour ça. Ce n'est pas un motif valable. C'est du jamais vu."
L'avocat espère que la Fédération professionnelle des journalistes (FPJQ) saisisse la balle au bond et décrie le sort réservé aux deux journalistes non syndiqués. "C'est très gros cette affaire-là, dit-il. On vit dans un monde où il y a un monopole des journaux. On va voir si les journalistes peuvent comprendre que c'est grave, ce qui se passe actuellement."
À la FPJQ, hier, le secrétaire général, Claude Robillard, n'avait pas entendu parler de l'histoire. Il a néanmoins reçu un coup de fil anonyme d'une personne qui voulait des informations sur des "congédiements illégaux".
L'auteur des textes du Journal de Sherbrooke, Alain Bérubé, est le frère de l'ancien candidat péquiste Pascal Bérubé, défait dans Matane en 2003.
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